Communauté de travail et organisation

Le terme de communauté virtuelle a été diffusé et banalisé par l’usage d’Internet. L’application du concept de communauté à ce contexte est déconcertante à double titre. D’une part car la totale fluidité permise par la dématérialisation du contact humain et du territoire ne correspond pas à l’idée de frontières et d’ancrage local d’une communauté. D’autre part, le langage commun et l’étymologie de communauté renvoient à un ensemble de personnes partageant un devoir (cum-munis) et des valeurs communes. La société occidentale moderne, par opposition, semble plus correspondre à une association rationnelle d’individus autonomes et quasi-exempts de devoirs communs (im-munis).

La dimension organisationnelle du management

Depuis le début du XXe siècle, les penseurs de l’entreprise n’ont eu de cesse de rationaliser et d’individualiser l’organisation du travail humain. Fort des gains de productivité liés aux innovations technologiques et organisationnelles, le mouvement vers la décomposition, le calcul et le contrôle systématique de la performance individuelle s’est poursuivi sans interruption jusqu’à aujourd’hui. Le mode de coordination communautaire fut dès lors identifié aux sociétés traditionnelles et à un manque d’efficacité. En management, il est donc largement ignoré ou considéré comme obsolète.

Ainsi, il est surprenant que le terme de communauté réapparaisse dans ce que l’économie a de plus moderne et de plus attrayant: le numérique et l’économie de la connaissance. Les communautés virtuelles désignent, à l’instar de wikipedia, des groupes dont les membres partagent librement des informations et des connaissances. Dans les entreprises, les équipes sont aussi confrontées au problème stratégique de la diffusion des connaissances. Ce comportement de partage collectif pose la question de la motivation de ces individus supposés autonomes et détachés. Le fait de se sentir appartenir à une communauté semble fournir une explication qui sort du cadre de l’organisation rationnelle et individualiste. Serait-ce la résurgence de la forme communautaire dans l’économie et dans l’entreprise? Quels en sont les enjeux majeurs pour les entreprises?

Penser aussi la dimension communautaire

Concevoir l’humain comme opportuniste, isolé et centré sur ses intérêts suggère des pratiques managériales rationalistes liées à la méfiance et à la politique de la carotte et du bâton. Il ne fait pas de doute que se représenter l’homme comme membre d’une communauté qui influence ses valeurs, ses buts et son comportement permet de voir d’autres aspects de l’entreprise. Les deux conceptions sont présentes dans la réalité telle qu’elle est vécue dans les organisations humaines. Or, la recherche et les pratiques en management ont souligné la conception rationaliste et individuelle. Il est donc important de mieux refléter la réalité sociale et anthropologique et de promouvoir la diversité des visions. Pour cela, le G.R.A.C.E. a constitué un sous-groupe de recherche qui s’est engagé dans l’exploration de la dimension communautaire des entreprises.

En posant l’hypothèse anthropologique selon laquelle la dynamique sociale de l’entreprise repose sur une dialectique – d’un côté une dimension communautaire, et de l’autre une dimension organisationnelle -, de nouvelles pistes de recherche se dévoilent. Il est alors possible d’analyser les tensions et interrelations entre les deux dimensions, ou, en les dissociant, de mieux comprendre leur fonctionnement, leurs antécédents et leurs conséquences. Ce nouveau regard permet de considérer scientifiquement les implications de la représentation de l’entreprise comme une communauté de personnes.

Thèmes de recherche

Le sous-groupe « Entreprise : Organisation et Communauté » a débuté ses recherches en 2013. Plusieurs réunions ont permis d’ouvrir la thématique et de mettre en commun les premières réflexions. Les premiers travaux individuels ont commencé et sont présentés au groupe au fur et à mesure de leur progression.
Une thèse de doctorat a été réalisée par Sébastien Dérieux, qui a étudié le rôle de la mémoire communautaire des entreprises sur le processus de transmission des connaissances (pour plus d’informations, cliquer ici).
Les thèmes de recherche sont encore en train d’être discutés, répertoriés et travaillés. Leur liste sera publiée dès que possible.

Le groupe est ouvert aux nouvelles idées et aux nouvelles compétences !
Pour contribuer aux recherches, veuillez contacter Olivier Masclef : omasclef@gmail.com